Mettre en place une étude, une expérience
Mettre en place une étude, une expérience
Créé le 06/10/2023

Un peu de théorie ...

En sciences humaines, on parle de démarche expérimentale lorsqu’un chercheur souhaite étudier un phénomène.
La démarche expérimentale se caractérise par le respect et l’application des règles de démonstration empirique. Les résultats d’une étude sont issus de faits expérimentaux (validés par l’expérience), mais dont on ne connaît pas la base théorique. Une étude est dite scientifique si elle est réfutable et réplicable. En d’autres termes, si d’autres chercheurs peuvent recréer la même étude et trouver des résultats similaires, alors l’étude est scientifiquement valable.
La démarche expérimentale permet alors de passer d’un état initial des connaissances (ce qui est connu et démontré dans la littérature scientifique pour servir de base à une nouvelle étude) à un état final (ce qui sort comme nouveaux résultats d’une étude pour venir nourrir les connaissances de la littérature et la faire évoluer).
Différents moyens existent pour passer d’un état à un autre :
  • Revue de la littérature scientifique (connaître les théories, les modèles, les approches et les résultats de recherches, etc.)
  • Manipulation expérimentale (ou expérimentation) pour permettre de recueillir de nouveaux résultats : observations, entretiens, questionnaires, monitoring.
  • Bon à savoir
    La démarche expérimentale est soumise à des contraintes, qui sont l’ensemble de règles ou de critères à respecter pour pouvoir produire des connaissances relevant de l’approche scientifique.
    Karl Popper (1934) précurseur de la démarche expérimentale pose le postulat suivant :
    Si une théorie ne peut-être réfutable empiriquement, elle ne peut pas être considérée comme légitime. 
    Cette approche se nomme la démarche hypothético-déductive.

    Déroulement de la démarche expérimentale

    La méthode de recherche emprunte généralement un cheminement ordonné qui part d’un fait observé permettant de formuler des hypothèses qui seront testées grâce à la production de données. Ainsi les résultats pourront être interprétés puis généralisés. Cette démarche se décompose en 7 grandes étapes :
    déroulement de la démarche expérimentale

    Étape 1 : Question de départ

    Point de départ de toute démarche scientifique.
    Le chercheur tente d’exprimer le plus précisément possible ce qu’il cherche à savoir, à élucider et à mieux comprendre.
    D’après Gaston Bachelard (1949)*,
    Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut pas y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit. 
    Cette question de départ doit être claire, faisable et pertinente.
    Comment une question peut être claire ?
    Les qualités de clarté concernent essentiellement la précision (caractère de ce qui est précis : ni vague, ni confus), la concision (qualité de ce qui est concis, c'est-à-dire s'exprime en peu de mots : pas trop longue), et l'univocité (se dit d'un terme, d'un concept qui garde le même sens dans des emplois différents).
    Comment une question peut être faisable ?
    Il s'agit de avoir si nous disposons des moyens humains et matériels pour mener l'étude. Pour réaliser un travail de recherche, nous avons besoin d'un certain nombre de choses parmi lesquelles nos connaissances, nos ressources : le temps et l'argent.
    Comment une question peut être pertinente ?
    Il faut que cela soit une vraie question, sans connotation morale ni orientation particulière.
    *Bachelard, G. (1949). Le rationalisme appliqué (Vol. 43). Paris : Presses universitaires de France.

    Étape 2 : L'exploration

    Cette étape est la transition entre la question de départ et la problématique. L’exploration permet de recueillir des informations sur le sujet de savoir où en sont les connaissances.
    Deux moyens sont à disposition du chercheur : la lecture et l’étude exploratoire.
    La lecture
    Tout travail de recherche s’inscrit dans un continuum (ensembles d’objets ou d’éléments homogènes) et peut s’inscrire dans un courant de pensée. Il est nécessaire que le chercheur prenne connaissance des travaux antérieurs qui portent sur des sujets comparables. C’est ce qu’on appelle l’Etat de l’art sur un sujet.
    L’Etat de l’art est le plus souvent réalisé par le biais de recherches dans des bases de données de revues scientifiques. Il existe de nombreuses bases de données, regroupant les revues scientifiques selon les grands domaines scientifiques (Santé, Chimie, Informatique, etc.) mais également par éditeur.
    Les recherches dans ces bases de données sont réalisées en utilisant des mots-clés. Les mots-clés sont dépendants des éléments à l’étude : ils doivent être suffisamment larges pour prendre en compte le maximum d’éléments (variables à l’œuvre, type de protocole, approche adoptée, facteurs impactant, etc.) sans toutefois être trop vastes pour éviter de noyer les recherches dans un trop plein d’informations.
    L'étude exploratoire
    Lorsque les lectures sont insuffisantes, ou qu’elles ne permettent pas de répondre à certaines questions clés, les études exploratoires ont alors pour vocation de tester la question de recherche, de mettre en avant des premières hypothèses ou aspects manquants dans la littérature.
    Exemple 1
    Julie est à la montagne et souhaite apprendre à faire du ski .
    L'étude exploratoire permet d'étudier les moyens qu'aura Julie pour améliorer son niveau en ski.
    Question de départ : Comment, par quel biais, Julie peut-elle apprendre le ski ?
    Dans la littérature scientifique, presque toutes les études affirment le fait que plus on pratique un sport, meilleur sera notre niveau. Par ailleurs, les résultats de littérature montrent aussi qu'une pratique accompagnée et guidée par un expert améliore l'apprentissage (plus rapide et plus durable).
    Exemple 2
    Des chercheurs tentent d'optimiser les performances en apprentissage via une plateforme de e-learning.
    Question de départ : Comment améliorer les performances en apprentissage dans une plateforme de e-learning ?
    Des études montrent que le guidage permettrait d'améliorer l'apprentissage numérique. De cet état de l'art, des hypothèses peuvent être dégagées.

    Étape 3 : La problématique

    La problématique est une étape importante dans une démarche scientifique. Elle doit être en relation avec la question de départ.
    La problématique est conditionnée par les lectures et les études exploratoires, qui dépendent de la question de départ.
    Exemple 1
    Est-ce que prendre des leçons de ski permettra à Julie d'apprendre le ski ?
    Exemple 2
    Le guidage permettrait réellement d'améliorer les performances en apprentissage dans une plateforme de e-learning ?

    Étape 4 : Modèle d'analyse

    Le modèle est un prolongement de la problématique.
    Au fur et à mesure de l’avancement du travail exploratoire, des concepts clés et des hypothèses majeures sortiront progressivement du lot, ainsi que les liens qu’il convient ou qu’il serait intéressant d’établir entre eux. Le modèle d’analyse se prépare donc tout au long de la phase exploratoire.
    En premier lieu, il faut opérationnaliser les variables.
    Opérationnalisation des variables
    Les variables représentent les concepts que nous souhaitons étudier.
    On distingue 3 types principaux de variables  :
  • Variable dépendante (VD)
  • Variable indépendante (VI)
  • Variable contrôlée (VC)
  • Pour plus d’informations sur comment distinguer ces trois variables, cliquez sur les variables.
    Création des hypothèses
    Les hypothèses sont des idées ou un ensemble d’idées qui interprètent de manière anticipée et rationnelle les possibles résultats de la recherche. Ce sont des suppositions, une prise de parti éclairé par la phase d’exploration dans la réponse à la problématique que le chercheur tentera de valider ou de réfuter par l’expérimentation.
    Pour plus d’informations sur ce qu'est une hypothèse, cliquez sur les hypothèses.
    Exemple 1
    Hypothèse(s)
  • Si Julie prend des cours, elle améliorera son niveau de ski.
  • Plus Julie prends de cours, plus son niveau s'intensifiera.
  • Exemple 2
    Hypothèse(s)
  • Le guidage permet d'améliorer les performances en apprentissage.
  • Structurer l'information permet de favoriser l'apprentissage en mémoire à long terme.
  • Étape 5 : Expérimentation

    Cette étape comprend l’ensemble des opérations *par lesquelles le modèle d’analyse (constitué d’hypothèses et de variables) est soumis à l’épreuve des faits, confrontés à des données observables.
    C’est une étape intermédiaire entre la construction des concepts (ou variables) et des hypothèses d’une part, et l’examen des données utilisées pour les tester.
    Plusieurs étapes sont nécessaires pour la phase d’expérimentation :
  • Choix du plan de recherche,
  • Choix des bons outils de mesures,
  • Définir le champ d’analyse,
  • Constituer les groupes,
  • Définir le protocole et l’appliquer.
  • Plan de recherche
    Un plan expérimental organise la manière dont les différents niveaux d’une ou des variables indépendantes sont répartis entre les groupes de sujets.
    C’est la structure de l’étude.
    Choix des mesures
    Le chercheur(e) a besoin des données qui sont définies par les indicateurs, utiles à la vérification des hypothèses. Ces données nécessaires sont appelées les données pertinentes.
    On distingue plusieurs types de mesures :
  • Les mesures objectives : nécessitent un point d’origine, un point final, et une unité de mesure appréhendable par un appareil, comme le mètre, ou le temps de réaction.
  • Les mesures subjectives : s’appuient sur le souvenir des expériences acquises ou les ressentis d’un individu qui réalisera une auto-évaluation de son état, comme le plaisir perçu ou le sentiment de présence.
  • Définir le champ d’analyse,
  • Constituer les groupes,
  • Définir le protocole et l’appliquer.
  • Ces mesures doivent être les plus fidèles, valides et sensibles.
    (NB : certains outils de mesure – ou tests – sont normés, ou standardisés. Ils présentent des normes stables pour différentes populations, avec une cohérence et sensibilité mesurées et publiées. Ces tests standardisés seront privilégiés car leur fidélité, validité et sensibilité ont été prouvées. Par ailleurs, leur standardisation permet une comparaison directe avec d’autres résultats de recherche utilisant ces mêmes outils.)
    Comment un test peut être fidèle ?
    Un test est dit fidèle s'il donne les mêmes résultats pour la même mesure dans des conditions similaires. Pour donner une valeur à la fidélité, et en l'absence d'une mesure exacte, on peut établir un intervalle de confiance. C'est un prérequis à la validité.
    Comment un test peut être valide ?
    Un test est dit valide s'il mesure bien à chaque fois ce qu'il est censé mesurer.
    Comment un test peut être sensible ?
    Un test est dit sensible s'il rend compte des variations entre les mesures. Un test est très sensible si une petite variation d'un paramètre entraîne un grand changement de mesure.
    Champ d’analyse et population
    Préciser les limites du champ d’analyse : période de temps prise en compte, zone géographique, organisation et acteurs, etc.
    La phase de choix des participants se nomme : échantillonnage.
    Cet échantillon doit être une petite partie de la population étudiée, il se doit d’être représentatif de la population étudiée. Il doit être de taille suffisante et posséder les mêmes caractéristiques que la population générale.
    Il existe plusieurs méthodes d’échantillonnage :
  • Aléatoire : tirage au sort
  • Systématique : selon un intervalle régulier, de façon régulière
  • Par grappe : en se basant sur la position géographique de la population ciblée
  • Etc.
  • Constitution des groupes
    Une fois l’échantillon réalisé, il est nécessaire de constituer des groupes, qui ne subiront pas les mêmes manipulations, afin de les comparer.
    On peut distinguer différents groupes expérimentaux :
  • Groupes appariés, dans lesquelles chaque participant passe chacune des conditions expérimentales
  • Groupes indépendants, dans lesquelles chaque sujet ne passe que dans une modalité expérimentale.
  • Définir le protocole
    Nécessité de réfléchir :
  • Au protocole,
  • A la façon dont l’expérimentation se déroulera selon les groupes,
  • De fixer le déroulement de l’étude.
  • Il est conseillé de rédiger une trame avec chaque étape de la passation : accueil des participants, explications du déroulement, première intervention, réponse au test, etc.
    Les passations peuvent commencer !

    Étape 6 : Analyse des données

    analyse des données
    Cette phase sert à vérifier que les données ne soient pas aberrantes et que les groupes ne diffèrent pas sur les autres variables que celle qui sont étudiées.
    L’analyse des informations est l’étape qui traite l’information obtenue par l’observation pour la présenter de manière à pouvoir comparer les résultats observés aux résultats attendus par l’hypothèse.
    Différents types d’analyse :
  • Analyse descriptive (N<30), lorsque le nombre de participants n’atteint pas les 30. Dans ces cas-là, on analyse les données en parlant de tendance.
  • Analyse statistiques (N>30), lorsque le nombre de participants dépasse les 30, on peut alors réaliser des analyses statistiques avec des logiciels comme : Jamovi, R studio, SPSS, Statistica.
  • Peac2h fournit actuellement les scores sur un tableur Excel.

    Étape 7 : Conclusion

    À ce stade, les chercheurs interprètent les données pour en tirer des conclusions. Ils évaluent si les résultats sortants confirment ou infirment l’hypothèse.